Causes psychologiques ?
Le bégaiement a longtemps été expliqué des traumatismes psychologiques, des troubles émotifs ou des caractéristiques de la personnalité. Pour plusieurs raisons dont je vous épargne, la recherche ne supporte pas l’hypothèse que le bégaiement puisse être causé par des facteurs psycho-émotionnels (1).
Pourquoi certains parents arrivent à relier l’apparition du bégaiement avec un événement dans la vie de l’enfant ?
Bien que les facteurs psychologiques ne sont pas la cause du bégaiement, ils pourraient faire partie des multiples facteurs contribuant à l’apparition du bégaiement dans certains cas. Ainsi, l’aspect psychologique peut, pour certaines personnes, être considéré comme étant « la goutte qui fait déborder le vase » dans l’apparition du bégaiement.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a nécessairement une accumulation d’autres facteurs (autre que les facteurs psychologiques), qui prédisposent la personne à développer le bégaiement. Ainsi, un événement traumatisant (ex. : chute à vélo) ou des difficultés émotives (anxiété liée à un changement dans la routine) peuvent être « l’événement déclencheur » du bégaiement. C’est pourquoi certains parents arrivent à associer l’apparition du bégaiement à un événement dans la vie de leur enfant. Cet événement n’est PAS la cause du bégaiement : l’enfant était prédisposé à bégayer, et cet événement aurait en quelque sorte précipité l’apparition. Le bégaiement coïncide avec un évènement stressant dans 40% des cas, mais la nature de cet événement est variée et pas particulièrement traumatisante (2).
Par contre, il faut savoir que des facteurs psychologiques pourraient avoir un rôle à jouer sur le plan du maintien du bégaiement. Certains facteurs psychologiques (état émotionnel, anxiété, tempérament tel que l’hyperactivité, le perfectionnisme et l’hypersensibilité) pourraient expliquer le patron d’occurrence du bégaiement et peuvent influencer la réponse à la thérapie (3).
Mais alors, qu’est-ce qui explique le bégaiement ?
Hérédité
Le bégaiement a tendance à être plus fréquent dans certaines familles, ce qui suggère une cause génétique à ce trouble. Selon une revue de littérature, entre 30 et 60 % des personnes qui bégaient ont un autre membre de leur famille qui bégaie (4). Les études en biologie génétique confirment qu’il y a une composante génétique importante au bégaiement. Cependant, les chromosomes responsables, et donc, ce qui est transmis n’est pas identifié clairement : caractéristiques du cerveau, déficit moteur, facteurs psychologiques, etc. (5).
Causes neurologiques
Les personnes présentant du bégaiement montreraient des différences sur le plan de l’anatomie et de la physiologie de leur cerveau.
Certains chercheurs relèvent des différences fonctionnelles cérébrales (ex. : activation excessive de l’hémisphère droit) (6), alors que d’autres ont démontré des différences cérébrales anatomiques (ex. : planum temporal gauche plus petit que droit, plus de matière blanche dans l’hémisphère droit) (7). Des différences quant au fonctionnement physiologique du cerveau sont également relevées (ex. : asymétrie gauche/droite quant au flux sanguin dans certaines régions des lobes temporaux et frontaux) (8).
D’autres chercheurs ont soulevé des différences quant au fonctionnement moteur chez les personnes qui bégaient (activité des muscles laryngés, coordination de la respiration, etc.) Ces différences motrices pourraient, du moins en partie, être responsables du bégaiement (9). D’autres études sont nécessaires pour expliquer plus précisément cette théorie.
Finalement, que faut-il comprendre ?
« Aucune théorie ne peut expliquer à elle seule l’apparition, le développement, le maintien et la variabilité du bégaiement. Les études des dernières années montrent l’existence d’une forte composante génétique et l’influence du fonctionnement neuro-physiologique. » (N. Beausoleil, 2017)
On ne connait donc pas encore précisément les causes du bégaiement. Du moins, l’anatomie et la physiologie du cerveau, ainsi que l’hérédité, joueraient un rôle important. Ainsi, les personnes qui bégaient naitraient avec un système neurologique de la parole plus vulnérable. Bien que les facteurs psychologiques ne soient pas la cause du bégaiement, ils peuvent agir comme déclencheur ou facteur aggravant du bégaiement chez une personne prédisposée à le développer.
Références :
- Sheehan,1958, Sermas & Cox, 1982, Yairi & Seery, 2014 dans N. Beausoleil, 2017
- Yairi & Seery, 2014 dans N.Beausoleil, 2017
- Yairi & Seery, 2014 dans N. Beausoleil, 2017
- Yairi et coll.,1996 dans N.Beausoleil, 2017
- Kraft & Yairi, 2012; Yairi & Seery, 2011 dans N.Beausoleil, 2017
- Kroll et coll., 1997, De Nil et coll., 2000, Preibisch et coll., 2003 dans N.Beausoleil, 2017
- Foundas et coll., 2001, Sommer et coll., 2002, Foundas et coll., 2004, Jancke et coll., 2004 dans N.Beausoleil, 2017
- Watson et coll., 1994 dans N.Beausoleil, 2017
- Théories du bégaiement, Natacha Beausoleil, MOA orthophoniste, Université Laval, 2017